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Secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (CCPA/Sénégal), porte-parole et point focal de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN) et chargé de communication du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), Sidy Ba se livre à Senagriculture. D’un regard très critique mais surtout personnel, M. analyse la situation agricole du Sénégal. Dans cet entretien, est passé au crible, la distribution des semences, les irrégularités notoires mais la possible implantation de Monsanto.
Propos recueillis par Dieynaba Thiombane
Nous venons de sortir de la campagne de distribution des semences. Quelles appréciations en faites- vous ?
La campagne arachidière s’est bien déroulée. Nous avons cependant noté par voie de presse des
récriminations des bénéficiaires sur la qualité des semences arachidières. Mais personnellement, je
peux dire qu’elles sont insuffisantes, par rapport aux besoins des producteurs et productrices
d’arachides.
Pourquoi cette insuffisance ? Il n’y a pas une augmentation ?
La quantité de semences distribuées n’a pas connu d’augmentation, le même poids est reconduit
depuis plus deux ans. Le capital semencier national de l’arachide est estimé à 150 000 T par an mais
la quantité des semences distribuées est 75 000 T d’arachides tout niveau confondu. Les 55 000 T
sont des semences certifiées les 20 000 T sont des semences écrémées et pourtant Le budget pour
les semences est évalué à 11 milliards.
Quelles sont les cultures qui font l’objet de subventions de semences ?
Toutes les spéculations cultivées en pluvial sont subventionnées (arachides, mil souna, maïs, sorgho,
sésame, niébé, riz…), avec un soutien particulier pour l’arachide.
Pourquoi cette particularité pour l’arachide ?
Le poids que l’arachide représente par rapport aux autres filières est important. Six producteurs
agricoles Sénégalais sur dix font de l’arachide. Et il faut savoir que le tissu industriel du pays est bâti
autour de l’arachide, elle fait tourner l’économie du pays pendant la campagne de commercialisation
et c’est elle qui fait et défait les régimes en place. Vue le nombre important de producteurs et
productrices qu‘elle mobilise, elle n’est plus une culture de rente mais elle devenue une culture
vivrière comme toutes les autres. Elle est l’or du Sénégal en attendant le gaz et le pétrole. Comme
on dit, « Si l’arachide tousse c’est tout le Sénégal qui éternue ».
Les paysans se plaignent pour la plupart du retard, de la qualité mais aussi de la mainmise des promoteurs qui sont sensés reproduire les semences avant de les mettre à leur disposition. Qu’en est-il réellement ?
Les retards dans la distribution des semences il faut reconnaître qu’il y’en a de moins en moins
depuis trois ans parce que les semences sont produites et distribuées sur place. Les points de vente
sont ouverts à la mi-mai jusqu’au début juin, au plus tard, chaque année. Pour ce qui est des
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promoteurs privés, il faut le reconnaître, la production des semences est un business très lucratif
surtout pour l’arachide. A cause des prix forts qu’ils mettent sur la semence subventionnée par
l ‘Etat, certains parmi les promoteurs sont devenus des milliardaires. Chaque régime dans nos pays
de l’Afrique de l’Ouest a ses prives semenciers et distributeurs d’engrais c’est eux qui financent et
soutiennent leur campagne électorales en milieu rural.
Le retard de la pluie n’a- t-il pas un effet négatif sur les semences déjà distribuées ?
Tout retard a ses conséquences désastreuses, et celui des pluies n’est pas épargné. Pour les
exploitations familiales des zones pluviales, les producteurs risquent de vendre leurs semences dans
les marchés forains ou les consommer au sein des ménages. Si elles sont semées tardivement, elles
peuvent ne pas arriver à maturité. Notre souhait est que les pluies soient bien réparties dans le
temps et dans l’espace, dans toutes nos zones productions.
Est-ce qu’il existe une traçabilité des semences distribuées ?
En principe toute semence certifiée vendue doit avoir une vignette qui retrace ses origines sauf pour
les écrémées. Presque depuis toujours, l’Etat subventionne l’agriculture, est-ce qu’il y a réellement un impact pour les agriculteurs ? Parce que pour la plupart, c’est les gros producteurs qui s’en sortent le
mieux. L’Etat dit qu’il y’a un impact positif, vu le niveau de production atteint annoncé chaque année par la
DAPSA (NDLR : Direction de l’analyse de la prévision et des statistiques agricoles) et cela pour toutes
les spéculations généralement cultivées sous pluie et en irriguées.
Est-ce qu’au niveau de l’ISRA, il y a un projet pour aider les agriculteurs à sélectionner leurs
semences à partir de leurs propres productions ?
Je n’ai aucune idée sur ce projet au niveau de l’Isra avec les paysans. Je sais que les paysans
produisent et sélectionnent leurs propres semences qui sont très performantes, résilientes et
adaptées à nos goûts culinaires. Les semences dites écrémées de l ‘arachide sont des semences
paysannes. Mais je peux affirmer plus de 80 % des semences cultivées au Sénégal sont des semences
produites et conservées par les paysans dans leurs fermes.
La semence hybride on en parle de plus en plus…Quelle est la particularité de cette semence ? Quels en sont leurs avantages et leurs inconvénients ?
Je ne suis pas connaisseur en semence hybride mais plutôt en semence paysanne, parce que je ne
les ai jamais achetés. Mais ceux qui les ont achetés disent qu’elles sont exigeantes en eau et
fertilisant chimique, ne sont pas reproductibles, pas résilientes et ne se conservent pas bien comme
les semences paysannes.
De plus en plus on parle de l’arrivée de Monsanto, le géant dans les OGM, sur le sol sénégalais.
Qu’en est-il réellement ?
Oui la loi sur la Biosécurité du Sénégal est pratiquement revue de fond en comble par l’ANB (Agence
Nationale de la Biosécurité). Le model du Burkina a été répliqué par le Sénégal et donc demain
Monsanto peut nous vendre sont niébé BT, arachide BT, ou maïs BT produits dans ses champs au
Burkina Faso et au Nigeria. Avec l’harmonisation des lois semencières dans l’espace CEDEAO, son
implantation est plus qu’imminente.
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La loi sur les semences est en cours de modifications depuis des années à l’assemblée Nationale. Ne craignez-vous pas que des dispositions soient aménagées pour faciliter l’arrivée de Monsanto
dans le pays ?
La révision est presque terminée, elle sera légiférée tout prochainement selon de sources digne de
foi et bonjour les semences OGM au Sénégal.
Quel impact va avoir l’implantation de Monsanto au Sénégal si réellement ce sera le cas ?
L’impact sera largement négatif. L’exemple du Burkina Faso sur le coton BT est encore frais dans nos
mémoires. Les milliers de procès contre Monsanto aux Usa et en Europe sur le Round up fait la une
des journaux grand tirage dans le monde. Tout compte fait, Monsanto ne sera pas la solution pour
notre souveraineté alimentaire mais le vrai problème, du point de vue de la santé humaine, animale,
environnementale et un appauvrissement accéléré des masses paysannes laborieuses à qui on va
interdire d’utiliser leurs semences. On va les obliger d’acheter des semences et fertilisant chez
Monsanto. La mort de l ‘agro écologie paysanne dans notre pays sera certaine.
On ne peut parler des semences sans parler des engrais, pensez-vous que l’utilisation de l’engrais
biologique sois une solution pour une agriculture plus saine et respectueuse de l’environnement ?
Oui dans mon intime conviction je suis pour la promotion et l’utilisation de l’engrais Bio dans nos
champs. Mais le lobby engrais chimique est puissant et va toujours encourager les producteurs
agricoles à acheter leurs produits et se faire beaucoup d’argent sur eux, tout en détériorant la
qualité de nos sols.
Personnellement, quelles recommandations faites-vous pour une agriculture sénégalaise
performante ?
D’abord, il faut produire et conserver nos propres semences. Ensuite utiliser la fumure organique et
moins de fumure minérale. Il faut aussi penser à transformer, consommer ce que nous produisons.
Les agriculteurs devraient demander aux producteurs membres des réseaux COPAGEN (Coalition
pour la Défense du Patrimoine Génétique Africain) COASP (Comite Ouest Africain des Semences
Paysannes) et AFSA (Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique) de se mobiliser pour la
mise en œuvre des droits des agriculteurs de notre pays comme l’exige l’article 9 du Traité
International sur les Ressources Phyto génétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation (TIRPAA),
ratifié par le Sénégal. Ce traité donne aux agriculteurs et agricultrices la possibilité de préserver leur
autonomie à travers leurs dynamiques de productions comme les échanges de semences paysannes
et savoirs endogènes. Il faut notamment redynamiser le Point Focal TIRPAA du Sénégal si réellement
il existe. Réclamer une forte implication de l’Etat central et des institutions régionales pour établir,
en partenariat avec les organisations paysannes et les (OSC) Organisation de la Société Civile des
systèmes d’assurance qualité légaux et basés sur les connaissances millénaires des paysans.
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