Les cultures fourragères sont des variétés agricoles utilisées dans l’élevage
pour composer les rations des bêtes. Au Sénégal, elles souffrent d’une
absence de vulgarisation. Méconnaissance ou négligence ?


Au foirail de sicap mbao au milieu des moutons et des bœufs, un homme, la trentaine révolue,
marchande un sac de foin. Le vendeur, visage fermé reste intransigeant, « 4 500 F CFA ou rien ». Le
bonhomme essaye de l’amadouer en jouant sur sa sensibilité : ” Je dois payer le transport et il est
certain que je débourserai plus de 500 F CFA. En plus de cela, ce foin risque de ne pas durer parce qu’il très léger comme nourriture"“, se lamente-t-il, en palpant le sac de fane d’arachide. Le vendeur, toujours mine fermée, campe sur le prix initial. Notre acheteur se résigne à payer et emporte son sac.

En cette période de soudure, être vendeur de paille est un métier qui nourrit bien son homme. Pour
la plupart, ils avaient stocké les pailles lors de la période faste où les sacs se bradaient à vil prix.
Aujourd’hui, ceux qui ne voulaient pas faire partie du dumping se frottent les mains. A hauteur de
Sicap Mbao, quoique l’abondance des sacs de foin fait parfois la loi, les prix affichés font reculer plus
d’un. Cela est dû à une rareté de la ressource. Dans le nord du pays les conséquences sont plus
désastreuses. Le manque de nourriture pour le bétail a occasionné la mort de milliers de bêtes.
Et pourtant, la culture fourragère, se présente comme une alternative pour faire face à la période de
soudure. Elle ne demande qu’une disponibilité foncière et de l’eau mais aussi une stabulation du
bétail, « mais elle est méconnue des éleveurs et même des agriculteurs », se désole Sahibou Sabi,
vétérinaire au clinique animale de Keur Massar. Pour ce dernier qui a mis en place des fermes
modèles à Mboro, dans la région de Thiès, les éleveurs bénéficiaires de son projet, en plus d’avoir un
aliment riche pour leur bétail, vendent le surplus. « Au moment où les vendeurs du dimanche se
frottent les mains avec 4000 ou 6000 F CFA le sac de fourrage, eux, ils proposent leur sac à 2000 F CFA », confie le vétérinaire.

Seulement au Sénégal, la multiplication des semences fourragères est encore timide, la création
variétale presque inexistante et la communication autour de ce procédé au point mort, à en croire
Souleymane Dia du Resopp. Il estime que la culture fourragère permet de satisfaire la forte demande
en aliments de bétail que les industriels  ne peuvent couvrir du fait des quantités et des coups de production. M. Dia, dont la structure produit annuellement 5 tonnes de semences
fourragères, fait savoir que seule la tonne 500 est commercialisée à 500 F CFA/kg pour les céréales et
800 F CFA/kg pour les légumineuses. De l’or pour l’élevage et l’agriculture

Dans de nombreux pays du monde, le pâturage naturel reste la base de l’alimentation des ruminants.
Pour la plupart dans les villages, au Sénégal, le cultivateur est parfois éleveur. Il est donc naturel pour
celui-ci, lorsqu’il cultive de l’arachide ou du niébé, de prendre les fourrages issus de ses récoltes pour
nourrir ses bêtes. Mais avec un déficit pluviométrique, ces fourrages ne peuvent tenir toute l’année.
Résultat, l’éleveur ne trouve autre moyen pour nourrir ses bêtes et il est obligé de migrer. Dans ses
pérégrinations, les animaux, dû à la forte chaleur, perdent la vie c’est le cas que nous avons assisté
dans le nord du pays. Au Sénégal, le tapis herbacé est plus sec qu’humide durant toute l’année
surtout dans les zones où est pratiqué l’élevage intensif. En plus, les fourrages naturels tropicaux
sont pauvres en azote (cf. PROCORDEL 2014).

Il existe une typologie culturale pour chaque type de production animale. Mais dans toutes les
situations, en matière d’alimentation du bétail, graminées et légumineuses, qui sont plus riches en
azote, spécialement pour les légumineuses, sont complémentaires d’où l’idée de les associer sur un
même pâturage. En plus, la pratique des cultures fourragères permet une meilleure organisation de
la gestion du territoire dans la mesure où elles sont aptes à maintenir ou restaurer la fertilité du sol,
en azote et en matière organique. Elles permettent en même temps de reconstituer les sols dégradés
mieux que la jachère naturelle qui peut prendre parfois 15 ans selon les spécialistes agronomes.
Le seul bémol à la pratique de la culture fourragère c’est d’abord une disponibilité foncière et ensuite
une disponibilité en l’eau. Il est connu de tous que les éleveurs sont des transhumants et qu’ils ne
restent jamais sur le même endroit dans la même année.

Ce qui est parfois compréhensible parce
qu’ils ne sont pas les vrais propriétaires des terres où se nourrissent leurs bêtes. Encore que des
dommages collatéraux peuvent subvenir entre éleveurs et agriculteurs parce que les bêtes du
premier sont entrées dans les champs du second et en ont détruit les récoltes. Une situation encore
évitable avec la pratique de la culture fourragère car elle permet une meilleure gestion du territoire.
Qu’est-ce qui est pire pour un agriculteur qu’une « terre morte », mis appart l’absence de pluies
évidement ? Qu’est-ce qui est aussi plus dévastateur pour un éleveur que l’absence de pâturage ?
Impuissant, il regarde ses bêtes mourir de faim devant ses yeux. Alors qu’une collaboration des deux
activités arriverait à résoudre une sempiternelle question de la cohabitation entre éleveurs et
agriculteurs. Les excréments des animaux, qui sont des engrais organiques permettront aux cultures fourragères de mieux se régénérer en plus de faire une économie d’argent au propriétaire terrien. Le
broutage est aussi une action non négligeable qui assure à la culture une bonne qualité.

 

 

Dieynaba Thiombane

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